La « Légende dorée » évoque un monde haut en couleur, tour à tour édifiant et surprenant, apparemment un peu décousu : celui des vies de saints telles qu'on les racontait au Moyen Âge. Composé selon l'ordre du calendrier liturgique par un dominicain ligure, Jacques de Voragine, ce recueil fut un best-seller, jusqu'à nos jours. Dans ce « beau livre, original et traceur de voies nouvelles » (J. Le Goff), Alain Boureau fournit l'explication de ce succès. En mariant les approches historiques et structurales, il révèle la trame serrée qui se cache sous le tissu des anecdotes et fait apparaître dans la « Légende dorée » une grammaire complète du salut chrétien. L'étude établit entre autres que le fait merveilleux, miracle ou martyre, est imprégné de doctrine, au point que l'on assiste à un naufrage du récit (première partie). Les fonctions, paroles et actions, des saints se distribuent suivant une stricte classification suggérant la prédominance d'une milice de purs (les ordres mendiants), indépendante de la hiérarchie institutionnelle (deuxième partie). Enfin, l'analyse de la rhétorique des chapitres successifs met en lumière une série de procédures combinatoires, dont la « stratégie des listes » (troisième partie). La « Légende dorée » tirerait en définitive son durable succès non tant de sa teneur en merveilleux que de l'inquiétude et de l'espérance qui la traversent. « Cette étude scrupuleuse et fine des techniques intellectuelles débouche sur le réseau d'obsessions d'une société, d'une époque... » (J. Le Goff.)