Pourtant, entre les plaisirs offerts par le chaos généreux d'une caverne d'Ali Baba ou ceux, plus austères, que procure le classement, entre infini et rayonnages, faut-il nécessairement choisir ? Et n'y a-t-il pas quelque présomption à vouloir sédentariser, non les livres mais les textes, par définition nomades ? Existe-t-il un ordonnancement idéal du grand thésaurus livresque de l'humanité ? Pour peu que, à l'instar d'Alberto Manguel, on ait affronté en combat singulier,- et toute une vie durant, la nature profonde de la bibliothèque, telles sont bien les insondables questions que soulève, «in »«fine, »cet espace prétendument banal - voire, pour certains, parfaitement démodé !
Après «Une histoire de la lecture, »Alberto Manguel offre donc ici un essai "contigu", au propos lumineusement complémentaire, d'où il appert que construire une bibliothèque, privée ou publique, n'est rien de moins qu'une mise à l'épreuve d'ordre philosophique dont l'avènement annoncé de la bibliothèque électronique ne saurait réduire la portée.
Voyage au coeur de nos livres et histoire de leurs demeures, «La Bibliothèque, la nuit, »en faisant la part belle aux heureuses ténèbres que l'imaginaire de tout lecteur se plaît à hanter, nous rappelle à quel point les livres, réinventant sans fin la "bibliothèque" qui les accueille, sont seuls maîtres de la lumière dans laquelle ils nous apparaissent - ces livres qui en savent décidément sur nous bien davantage que nous sur eux.