Voix de femmes au moyen age savoir, mystique, poesie, amour, sorcellerie
Danielle régnier-bohler
Restituer la parole de celles que la censure masculine a voulu faire taire, leur rendre leur créativité, leur originalité, leur diversité, telle est l'ambition de cette anthologie littéraire.Ce volume recueille l'écho des voix des femmes du Moyen Âge, du XIIe au XVe siècle. Il éclaire la condition féminine dans une période où les femmes semblent trop souvent muettes. Or leurs voix traversent le temps, dans une étonnante diversité et des accents splendides jusqu'ici peu connus. Les femmes poètes, à l'égal des troubadours, chantent le désir et l'attente. Les femmes mystiques parlent de l'indicible, de l'amour sacré, témoignant d'une expérience spirituelle hors pair, faite d'intensité et de flamme souvent charnelle. L'oeuvre foisonnante de la grande abbesse Hildegarde de Bingen revit par ses chants, ses lettres et ses visions. De ces expériences singulières, parfois douloureuses, témoignent Marguerite Porete, la béguine brûlée sur le bûcher, Mechthild de Magdebourg, dont l'oeuvre éblouissait déjà ses contemporains, Douceline, la sainte occitane, dont la Vie, rédigée par l'une de ses soeurs moniales, est riche d'extases et de miracles. À ces grandes dames de la poésie et de la spiritualité répond la première femme de lettres de notre littérature, Christine de Pizan, qui mit son savoir au service de la société humaine. Intégralement traduites ici, trois de ses oeuvres font entendre sa parole plaidant pour l'harmonie et la paix. Mais ces voix lettrées, cultivées et véhémentes, laissent deviner la censure dont la femme fut souvent l'objet. Les Évangiles des Quenouilles mettent en scène, lors de veillées secrètes entre Noël et la Chandeleur, des matrones pourvues d'un savoir singulier, dont les pouvoirs sont parfois proches de la sorcellerie. Et les voix d'hommes, cristallisant les fantasmes d'un mâle Moyen Âge (Georges Duby), permettent de mesurer la dureté dont ces femmes furent les victimes et le poids des contraintes auxquelles elles surent échapper, par leur accès à la lecture et à l'écriture. La vérité du Moyen Âge passe par ces voix de femmes, longtemps étouffées, qui brisent les carcans pour se déployer puissamment jusqu'à nous.