Les apologistes grecs du iie siecle
Bernard pouderon
Les Apologistes grecs du deuxième siècle - Aristide, saint Justin, Tatien, Athénagore, Théophile, auxquels il faut joindre quelques inconnus ou anonymes - sont les premiers intellectuels du christianisme. À l'époque des persécutions menées sporadiquement par les foules hostiles sous la forme de véritables « pogroms », et qui étaient plus ou moins acceptées par les autorités (les Antonins, depuis Trajan jusqu'à Marc Aurèle, n'étaient pas favorables aux chrétiens), ils ont pris la plume, en s'adressant les uns directement aux empereurs, les autres au public païen, pour défendre leur coreligionnaires contre les odieuses accusations qui étaient lancées contre eux : l'anthropophagie rituelle, la débauche incestueuse, l'impiété envers les dieux de la cité, qualifiée par leurs adversaires d' « athéisme », et pour présenter et justifier le nouveau genre de vie et la doctrine jugée scandaleuse qui étaient les leurs. Ce faisant, ils sont dressé un premier pont entre la philosophie païenne et le christianisme, en présentant la doctrine chrétienne d'une manière rationnelle, acceptable par les lettrés de l'époque, en même temps qu'ils ont contribué à l'élaboration de la théologie chrétienne. Mais ils ont aussi combattu des adversaires plus proches d'eux : les gnostiques, qui, au nom d'une interprétation supérieure des Écritures, distinguaient le Dieu supérieur du Démiurge créateur, niaient l'humanité du Christ sauveur et rejetaient la résurrection de la chair, et les Juifs, qui, attachés à la lettre des textes bibliques, refusaient de voir en Jésus de Nazareth le Messie annoncé par les prophètes, Verbe de Dieu préexistant. Dans cet ouvrage - le plus complet en langue française depuis celui d'A. Puech (1912) -, sont présentés à la fois les hommes (dans la mesure où nous détenons sur eux des informations qui ne relèvent pas de la pure légende hagiographique), leurs oeuvres et leurs doctrines, de manière à donner de leur action et de leur apport théologique et littéraire l'image la plus fidèle possible.
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The Greek Apologists of the second century - Aristides, St. Justin, Tatian, Athenagoras, Theophilus, as well as some little known or anonymous figures - were Christianity's first intellectuals. At a time when it was not unusual for hostile crowds to lead what were in fact ‘pogroms' against Christians, acts that were more or less tolerated by the authorities, (the Antonines, from Trajan to Marcus Aurelius, did not approve of Christians) these men continued to take up their pens. Some of them wrote to the Emperor directly, others to the pagan public, in order to defend their brothers in religion from the horrific accusations made against them: ritual cannibalism, incestuous debauchery, irreverence against the city's Gods (which their enemies referred to as ‘atheism') also to explain and defend their new doctrine and their way of life. By presenting Christian doctrine in a rational manner, acceptable to educated people of those times, they not only constructed the first bridge between pagan philosophy and Christianity, they also contributed to the elaboration of Christian theology. But they had other adversaries, closer to home: the Gnostics, who claimed to possess a deeper understanding of the Scriptures who saw God as being superior to the Demiurge, denied the humanity of Christ the Redeemer and rejected the Resurrection of the Body and the Jews, deeply attached to a literal interpretation of the Bible, who refused to recognise Jesus of Nazareth as the Messiah announced by the Prophets, the pre-existing Word of God. In this book, the most comprehensive available in the French language since that published by A. Puech in 1912, the author presents the men (focussing on authentic information and not simply hagiographical legend), their works and their doctrines, to provide the most faithful account possible of their action and their lasting contribution to literature and theology.