En 1854, alors que plus des trois quarts des diocèses français ont d'ores et déjà adopté la liturgie romaine, commence dans celui de Besançon, traditionnellement tourné vers Rome, une longue et violente controverse publique qui oppose un groupe de prêtres à Mgr Mathieu, prélat soucieux de son autorité et gallican modéré. La polémique, à la fois historique et théologique, vise à contrecarrer l'attentisme de l'archevêque et de promouvoir, par la base, l'adoption du rite romain. Cette controverse cléricale est aussi une dispute publique, avec l'édition de brochures et d'articles de presse. Autant que le symptôme de la romanisation du catholicisme français, la querelle liturgique en est le vecteur, comme déjà l'avait voulu dom Guéranger. À ce titre, elle pose la question de l'identité catholique dans une société en voie de sécularisation. Dans une province périphérique et un diocèse traditionnellement romain, le projet intégraliste et intransigeant porté par les partisans du rite romain induit donc une nouvelle formulation du rapport des diocèses et des églises nationales à l'autorité pontificale, ce qui peut susciter des oppositions de type identitaire ou politique. Dans un contexte plus général d'émergence du goût et de la méthode historiques, la défense d'une liturgie propre au diocèse passe ainsi par une vaste entreprise de recherches patrimoniales qui mobilise des prêtres érudits au service de la définition d'une identité régionale.