Le souvenir du cardinal Liénart (1884 - 1973), évêque de Lille de 1928 à 1968, est encore très vivant aujourd'hui. Au-delà des images connues de celui qui fut appelé « le cardinal des ouvriers », cette première biographie tente de ressaisir les multiples facettes de sa personnalité, riche, attachante, parfois déroutante et de son action. Témoin d'un siècle de « grandeurs et de misères », il n'eut de cesse d'annoncer à tous, toujours et partout, la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ. L'homme qui, à quarante-quatre ans, devient évêque de sa ville natale, est un spécialiste d'Écriture sainte. Aumônier militaire, il vécut l'expérience indélébile de la guerre. Sous des allures d'aristocrate, l'homme est affable et souriant. Pendant les quarante ans de son épiscopat à Lille, il se conduit comme un pasteur modèle, un homme de dialogue, de conciliation, de conviction, fidèle d'un bout à l'autre à ses grandes options, soucieux, mais sans exclusive, d'atteindre les masses déchristianisées et surtout le monde ouvrier. Il suscite ou encourage nombre d'initiatives qui visent à développer l'action de l'Église et favorise particulièrement l'Action catholique spécialisée. Il jouit auprès de ses diocésains d'une popularité que les ambiguïtés de son attitude sous l'Occupation n'affecte pas véritablement. Conscient de certaines dérives qui atteignent l'Église dans les années 1950 et 1960, il ne prend cependant pas la mesure exacte de la séduction que certaines idéologies, particulièrement le marxisme, exercent sur nombre de prêtres et de militants. Ses responsabilités envers les prêtres-ouvriers, qu'il soutient sans faiblir, lui révèlent de façon douloureuse certains dysfonctionnements ecclésiaux. Cette crise n'est pas étrangère à son approfondissement du rôle de l'évêque et de la notion de collégialité épiscopale, que le Concile va affirmer avec force. L'aspect très lillois de l'épiscopat du cardinal Liénart ne masque jamais la dimension d'universalité qu'il a attaché à la vocation de l'évêque et qu'il a traduit dans ses responsabilités à la présidence de l'Assemblée des cardinaux et archevêques, dans l'intérêt qu'il a porté aux jeunes églises, comme dans la part très active qu'il a pris au Concile Vatican II.