Psychanalyse et relation pastorale
Laurent lemoine
Écouter est une tâche d'humanité. C'est ce que tout homme doit pouvoir offrir à l'autre en proie à une détresse dont il a envie de parler. Mais écouter peut devenir, dans certains cas, affaire de spécialistes. Les Églises chrétiennes ont une longue, très longue expérience de ce qui s'appelait jadis la « direction spirituelle », et que l'on nomme plus volontiers de nos jours l'« accompagnement spirituel ». Les modalités et le but de ces accompagnements visent à faire grandir la relation avec Celui que les Églises confessent comme le Dieu de Jésus-Christ et, conséquemment, avec autrui. Or, depuis la fin du XIXe siècle, la psychanalyse, une toute nouvelle discipline, profane en son essence et en son déploiement concret, s'est donné comme tâche similaire d'écouter la souffrance et la détresse qui cherchent à se dire. Les modalités peuvent apparaître, dans un premier temps, assez proches de la relation pastorale ou de la cure d'âmes des prêtres ou des pasteurs chrétiens : il s'agit, dans l'un et l'autre cas, de « parloirs » en vue du dialogue, afin qu'une parole se fasse chair là où elle a fait défaut et là où, donc, le symptôme a surgi. Le but est, cependant, très différent : permettre au sujet souffrant de pouvoir à nouveau aimer et travailler est l'unique objectif d'une analyse qui ne saurait être confondue avec la poursuite d'une éthique, étrangère â Freud... mais peut-être un peu moins à Lacan. Cet ouvrage expose les thèses et les méthodes de la psychanalyse susceptibles de jeter des lumières nouvelles au profit de la relation pastorale. Des générations pionnières en la matière, celles de plusieurs théologiens et/ou spirituels chrétiens — comme Albert Plé, Louis Beirnaert, Marc Oraison — ont osé engager le dialogue avec la psychanalvse, aussi explosif qu'il puisse se révéler de prime abord. Il a fallu, d'abord, mettre au point une méthodologie du dialogue pour éviter, autant que possible, des jonctions injustifiées. Et puis, pour nombre de ces pionniers, c'est le vif de l'expérience psychanalytique qui est apparu comme le lieu-source d'où le matériau le plus riche sur les plans théorique et clinique peut être extrait au bénéfice d'une pratique chrétienne de l'écoute qui n'ignore pas les ruses de nos conflits intrapsychiques, ces ruses toutes passionnelles que la Tradition chrétienne avait déjà pressenties.