Itinéraire d'un intellectuel khmer rouge
Suong sik¿un
Pour la première fois, un haut cadre khmer rouge, Suong Sikoeun, livre son témoignage sur un engagement révolutionnaire de plus de soixante années, et sur la dérive totalitaire du régime communiste le plus criminel et le plus secret du XXe siècle. Fils de paysan entré à 16 ans, en 1952, dans le mouvement révolutionnaire, initié au marxisme-léninisme par son mentor Ieng Sary et par Saloth Sar — le futur Pol Pot —, Suong Sikoeun est imprégné de culture française — colonisation oblige — et grand admirateur de Robespierre et de la Révolution. Étudiant à la Sorbonne, il devient à partir de 1957 leader des étudiants cambodgiens en France, tout en appartenant clandestinement à un cercle marxiste-léniniste et à une cellule du Parti communiste français. En 1970, il rejoint le prince Sihanouk à Pékin et devient membre du Parti communiste du Kampuchéa clandestin. Le 17 avril 1975, les Khmers rouges s'emparent de Phnom Penh et entament la partie la plus sanglante de leur sinistre trajectoire : en trois ans et demi, le régime tuera près de 2 millions de Cambodgiens, soit le quart de la population. Pour la première fois, ce régime — alors encensé par le PCF et nombre d'intellectuels français — est décrit de l'intérieur. On y découvre la « rééducation prolétarienne », les purges dans le Parti, la délation et la peur d'être catalogué comme traître, les permanentes autocritiques publiques et l'omniprésent secret qui couvre la terreur d'une chape de silence. En août 2012, Suong Sikoeun a donné son témoignage devant le Tribunal pénal international qui, à Phnom Penh, juge les dirigeants khmers rouges pour crime contre l'humanité. Il a raconté toutes ses illusions de jeunesse, toute son horreur du régime qu'il a contribué à ériger et tous ses remords pour les innombrables victimes. Un témoignage qui n'aurait pu voir le jour sans la patience et la ténacité d'Henri Locard, ce spécialiste du Kampuchéa démocratique, qui a accompagné Suong Sikoeun durant tout son chemin de repentance et publie ici une importante annexe biographique : « Les acteurs du drame ».