Sur l'immensité de la terre russe, le vagabond mystique, le pèlerin russe, part en quête de l'absolu dont son âme a soif. Ce vagabondage inhérent à la condition existentielle de l'homme est aussi le symbole, dans la liturgie, de l'âme émigrant hors du présent vers l'avenir. C'est à tracer le portrait de ce personnage, traditionnel et fascinant, à le suivre dans ses errances pleines d'imprévus que s'est attaché Michel Evdokimov, des récits bibliques jusque dans les grandes oeuvres de la littérature russe, notamment les " Récits d'un pèlerin russe ". La révolution de 1917, tout en mettant un frein à cette déambulation permanente des conteurs, pèlerins-mendiants, moines, fols-enChrist, aristocrates ou paysans, qui se côtoient au long des routes, n'a jamais pu l'arrêter définitivement comme le montrent des témoignages poignants. Le paradoxe de la condition itinérante, qu'elle se déroule dans la chambre ou, à l'exemple du pèlerin mystique, sur les chemins aux grands souffles de ce monde, renvoie toujours à cette exigence fondamentale : la quête du Royaume. En cette période postsoviétique, l'appel du grand large fait toujours vibrer les coeurs et pousse sur les routes des hommes et des femmes avides de mouvement, de paysages nouveaux, où ils perçoivent un reflet de leur paysage intérieur.